Nous avons pris le pli de célébrer nos écrivains aux dates de leur anniversaire ou de celles de leurs publications. C’est une marque d’intérêt louable, un bon pli.
Si l’on s’en tient à cet usage l’année 2021 est doublement placée sous les auspices d’Arthur Rimbaud. Mort à Marseille en 1891, voilà 130 ans, il écrivait son fameux « Bateau ivre » 20 ans plus tôt, soit il y a maintenant 150 ans !
Nous saisissons volontiers cette opportunité d’évoquer l’un des plus grands poètes français grâce à cet essai littéraire publié aux éditions Bartillat.
Charles Ficat, lecteur familier et intime de l’écrivain resté continûment impressionné par les formes, l’usage, le placement et les piques de ses mots, restitue touche par touche les illuminations intérieures que le poète provoque en lui, dans ce livre très personnel intitulé : « D’acier et d’émeraude : Rimbaud ».
« Rimbaud ne pouvait ignorer la plus précieuse d’entre toutes les pierres : l’émeraude, la fleur du ciel… ». « L’émeraude évoque aussi la rareté de la poésie, sa valeur, sa beauté orientale. Rimbaud y a été sensible à plusieurs reprises dans les Illuminations… (Elle) confère une richesse concrète et mythique à son art, empreint autant de molécules que d’étincelles spirituelles ».
C’est autour du chiffre 7 que l’essayiste ordonne ses pensées, classe la moisson récoltée de l’infinie macération de l’œuvre du poète cent fois relue. 7 thèmes, 7 axes empruntés pour lire Rimbaud, 7 voix qui parlent : le génie, le travail, la révolte, l’amour, la poésie, la religion, le désert.
Si le jour se lève sur cette poésie aux innombrables trésors, une coque demeure la protégeant des voyants trop lucides. Elle vit habillée par une robe gâtant les yeux. Le charme de l’hermétisme produit ses heureux effets et les rayons de lumière ne fanent ni l’ardeur ni la verdeur noirâtre des vers du poète. Un voile mystérieux enrobe leurs trésors. C’est bien ce que nous révèle avant tout autre chose Charles Ficat. C’est le charme de sa lecture.
« Rimbaud aura surpassé son siècle. Il incarne toujours un frisson neuf ». Nous le vivons.
« Quoi de plus raisonnable que le dérèglement Rimbaldien pour accéder au vertige absolu ».
Convoquant Cocteau pour conforter son jugement Charles Ficat hisse Rimbaud au rang de ceux qui grandissent la France en la compagnie de quelques autres repris de justice : Villon, Verlaine, Baudelaire.
« Un casier judiciaire vierge ne sert en rien à l’écriture de beaux vers » !
Les mots de l’un pour dire l’autre crèvent les yeux et brulent à leur passage nos bons sentiments. Nous apprenons encore, plus de cent ans après, à être dérangé, bousculé dans nos vies de lecteurs sur canapé par cet hirsute venu de loin.
« Rimbaud enseigne le silence ».
Christophe
Des parents trompés, de jeunes enfants kidnappés et emmenés loin de chez eux pour repeupler des régions en mal de population. « Pas de fratrie au même endroit. Je ne fais qu’appliquer la consigne, moi ! » « Voyez celui-là comme il est grand » « Tâte ses biceps, c’est du costaud ».
Non, ce n’est pas une histoire de trafic d’enfants organisé par une mafia quelconque ; nous ne sommes non plus ni au XVIIème siècle, ni dans la Russie stalinienne mais bien en France il y a quelques décennies, au cœur d’un système organisé officiellement… Dans un roman très documenté et écrit de manière enlevée, dans des pages où l’émotion qui affleure rend la vérité encore plus forte et plus évidente, Ariane Bois décrit et dénonce un scandale d’État : durant les années 1960 et 1970, le gouvernement français a organisé le « rapatriement » d’environ 2000 enfants réunionnais vers la métropole ; il souhaitait ainsi lutter contre la surnatalité de l’île et résoudre les problèmes de désertification de certaines campagnes, principalement dans le département de la Creuse. Les parents étaient trompés et la souffrance des enfants déracinés occultée et niée.
À travers Pauline et sa petite sœur Clémence, l’auteure nous fait découvrir cette détresse des enfants et les silences et complicités qui entouraient ce projet scandaleux. Puis, dans une deuxième partie, elle nous fait vivre de manière intense, dans un style conjuguant émotion et retenue, la quête de la fille de Pauline pour retrouver des racines douloureusement enfouies au tréfonds de la mémoire. « Je réunis mes racines » dira Pauline.
N’hésitez pas, pendant vos vacances, à ouvrir ce roman qui contribue à nous ouvrir les yeux. Dès les premières pages et jusqu’à la fin, nous sommes pris par l’histoire : très bien écrit, le livre se lit en effet presque comme une enquête policière, émouvante et palpitante. En nous faisant découvrir le destin tragique de ces enfants déracinés et un épisode peu glorieux de l’histoire récente de notre pays, il nous montre en même temps la force des liens du sang et du souvenir.