Que reste-il dans nos mémoires de Jacques de Lacretelle dont on sait dans le meilleur des cas qu’il fut un écrivain (1888-1985) ?
Un nom qui renvoie vaguement à ces lointains auteurs dont on devine qu’ils connurent leur heure de gloire et un titre « Silberman » (prix Femina 1922, obtenu contre Les Thibault de Roger Martin du Gard) dont le libraire peut vous affirmer qu’il est aujourd’hui prescrit et lu dans les collèges et les Lycées.
C’était à peu près tout jusqu’à ce que sa fille, Anne de Lacretelle, rédige ses Mémoires en forme d’évocation sensible et intellectuelle de la vie de son père.
En lisant ce titre nous croisons avec intérêt beaucoup de figures – écrivains, artistes, intellectuels – qui furent des amis de l’écrivain. Nous percevons que ces artistes furent pour sa fille bien plus que les représentants de l’intelligentsia ou des institutions, des êtres de cœur et de chair hautement importants.
Ainsi d’une part, Anne de Lacretelle brosse des portraits vivants, précis, humains de ce Monde des décennies primordiales du XXe siècle et d’autre part restitue parfaitement l’ambiance et la chaleur de ce qui les relièrent les uns aux autres.
Les lieux de vie ou de la création sont évoqués avec tendresse à l’image de Montfort-l’Amaury – village refuge de Ravel ou de Jean Anouilh – mais également de Jacques de Lacretelle qui venait dans sa maison trouver le calme et l’inspiration pour écrire.
Marcel Proust, Paul Morand, André Gide, Montherlant, Cocteau, Mauriac et quelques autres et pas des moindres nourrissent ces lignes. L’évocation de Marie Laurencin est particulièrement touchante et réussie.
Ce livre des Mémoires d’Anne de Lacretelle provoquent une irrésistible envie de lire ou relire beaucoup de livres tombés injustement dans cet oubli évoqué à l’instant et de redécouvrir cette époque dont on rage qu’elle se soit envolée si rapidement.
Les prémices de l’été m’incitent à évoquer le dernier roman d’aventures de l’écrivain « so british » William Boyd. Il vous fera passer un excellent moment de détente au domaine de la littérature.
Les aventures en question sont nombreuses et variées. Elles passionnent le lecteur de bout en bout qui s’intéressent tout autant à l’amour dévorant du jeune Brodie Moncur pour la musique, en particulier pour le piano qu'à son amour pour Lika, la superbe cantatrice russe !
L’oreille absolue dont Brodie est doté en fait un homme recherché voir indispensable pour les musiciens. Ce n’est pas le moindre de ses attraits qui lui permettra de quitter la sombre et plate ville d’Edimbourg en Ecosse pour un Paris étincelant avant de s’engager dans un vaste tour des grandes capitales européennes où la musique règne sans partage en cette fin du XIXème siècle.
William Boyd nous immisce dans ce siècle des virtuoses du piano où Chopin, Liszt, Zimmerman accompagnés par quelques autres remplissent les salles de concert, donnent à prix d’or des leçons aux femmes bien nées tout en n’oubliant pas de les séduire et en animant leurs Salons. Il y est également question des progrès de la technique musicale si indispensable à l’interprétation ou de la concurrence des grandes fabriques de pianos - Pleyel, Erard… - avec les pianos anglais Channon dont nous suivons l’installation sur le marché.
William Boyd nous guide également à travers une Europe où les villes sont de véritables théâtres de l’histoire des arts vivants. C’est évidemment la ville de Vienne mais aussi Trieste ou Genève. Joignez-vous à cet agréable voyage !